Roberto Baggio, “il divin codino”

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De la Fiorentina à la Juve : un transfert houleux

Le 18 mai 1990, la presse italienne annonce l’arrivée de Roberto Baggio à la Juventus pour un montant-record à l’époque de 25 millards de lires : jamais un transfert n’avait atteint une telle somme, que ce soit en Italie ou à l’étranger.

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Dès l’annonce de ce transfert, la cité de Florence s’enflamme : des milliers de supporters du club défilent dans les rues de la ville pour exprimer leur colère de voir Baggio quitter la Fiorentina pour le club onni de la Juventus depuis cette fameuse date du 16 mai 1982. En cette journée du 18 mai, on assiste dans le centre de Florence à de véritables scènes de guérilla urbaine entre supporters florentins et forces de l’ordre.

1990-1991 : Une 1ère saison à la Juventus chaotique mais prometteuse

A 23 ans, Roberto Baggio débarque dans le club piémontais durant l’été 1990 avec l’étiquette de plus grand espoir du football italien, réputation qui n’a fait que grandir et s’affermir suite à ses prestations marquantes durant la coupe du monde, avec en point d’orgue un but somptueux en match de poule contre la république tchèque.

Des débuts individuels réussis dans toutes les compétitions

L’attente du peuple bianconero est donc très grande vis à vis de ce joueur-prodige, dont beaucoup voient en lui le potentiel successeur de Michel Platini. Ses débuts sous le maillot turinois sont plutot réussis d’un point de vue statistique puisqu’il marque dès son premier match officiel en supercoupe d’Italie contre le Napoli, même si cette première reste un souvenir amer pour l’équipe avec une cuisante défaite 5 buts à 1. Baggio ouvre également son compteur-but dès ses premiers matchs en championnat (contre Parme), coupe d’Italie (contre Tarente) et coupe d’europe des vainqueurs de coupe (contre les bulgares du Sliven).

Baggio prêche dans le désert en championnat

Malgré 14 buts en série A pour sa première saison avec le club et une dextérité sans failles dans l’execution des penalties (100% de réussite sur les 6 tirés), Roberto Baggio ne peut empêcher à lui seul le naufrage des bianconeri dans ce championnat 1990-91, terminé à une 7ème place qui prive la Juve d’une participation européenne pour la première fois depuis 28 ans et la saison 1962-1963.

6 avril 1991: le “grand refus” de Baggio contre la Fiorentina

La rencontre sur le terrain de son ancien club de coeur constituera une grosse épreuve émotionnelle pour le néo-turinois, toujours très attaché à son ancienne équipe de la Fiorentina au sein de laquelle il évolua durant 5 saisons. Au cours de cette partie un peu particulière pour Baggio, il provoque un penalty qu’il refuse de tirer, laissant cette tâche à son co-équipier Luigi De Agostini…qui voit son tir au but arrêté par le gardien florentin. Remplacé au cours de la seconde mi-temps, il ramasse instinctivement une écharpe de la Fiorentina envoyée par un supporter local, montrant symboliquement son attachement viscéral à son ancien club.

Roi des buteurs en coupe d’europe

Décevante en championnat, la Juve peut compter sur un Roberto Baggio de gala durant son parcours en coupe d’europe des vainqueurs de coupe : le maître à jouer turinois inscrit la bagatelle de 8 buts lors des 5 premiers matchs de cette compétition européenne, dont un triplé contre l’Austria de Vienne, son premier sous le maillot noir et blanc de la Juventus. En demi-finale, les co-équipiers de Baggio sont opposés au club de Barcelone, au sein duquel évolue un certain Michael Laudrup, ex-joueur bianconero entre 1985 et 1989. Battus 3-1 à l’aller, les turinois sont tout près de renverser la vapeur, mais l’unique but sur coup-franc de Baggio, son 9ème de la compétition, ne suffit pas pour la qualification en finale.

Roi des buteur européen en coupe des coupes (9 buts) et meilleur marqueur de la Juventus en championnat avec 14 réalisations, Roberto Baggio, avec un total de 27 buts toutes compétitions confondues, réalise d’un strict point de vue statistique une première saison turinoise très prometteuse, malheureusement insuffisante pour éviter une saison blanche sur le plan collectif.

1991-1992 : une seconde saison blanche malgré un Baggio toujours plus décisif

Privée de coupe d’europe, la seconde Juve de Roberto Baggio, renforcée défensivement par les arrivées des allemands Jurgen Kohler et Stefen Reuter, compte plus que jamais sur le talent de son numéro 10 pour ramener un trophée national en fin de saison.

Un Baggio peu efficace en première partie de championnat…

Roberto Baggio reste étrangement très peu prolifique durant tous les matchs aller du championnat, tant et si bien qu’après la 18ème journée, le meneur de jeu bianconero ne totalise que 4 buts en 17 rencontres et est même devancé par son compère d’attaque Pierluigi Casiraghi, auteur de 5 buts à ce stade de la compétition.

…puis irrésistible à partir de la 19ème journée

Le match contre Foggia pour le compte de la 19ème journée constitue un déclic pour Roberto Baggio, durant lequel il inscrit son premier triplé en championnat sous le maillot de la Juve. Le numéro 10 bianconero devient inarêtable à partir de cette rencontre et réalise une phase-retour de championnat exceptionnelle sur le plan statistique avec 14 buts en 15 matchs. Ces buts à répétition contribuent de manière décisive à la seconde place finale du club, derrière l’invincible rival milanais.

L’occasion manquée de la coupe d’Italie

Roberto Baggio prit également une part prépondérante dans le parcours en coupe d’Italie qui amena les turinois jusqu’en finale. Auteur de 4 buts dans cette compétition, dont un doublé décisif en quart de finale retour contre l’Inter de Milan, il ne peut malheureusement éviter la défaite à son équipe contre Parme en Finale, malgré le but de la victoire qu’il inscrit au match aller, insufisant pour une Juve battue 2-0 au retour.

La seconde saison de Baggio à la Juventus s’achève ainsi comme la première, sans trophée supplémentaire dans la vitrine du club turinois.

1992-1993 : coupe UEFA et ballon d’or : la saison de la consécration pour Baggio

Avec les arrivées conjuguées de Gianluca Vialli, Andreas Möller, David Platt et Fabrizio Ravanelli pour renforcer le secteur offensif, Baggio n’est plus seul pour faire la différence en attaque. Avec un tel arsenal offensif, l’objectif du club est clair : re-gagner enfin un trophée national ou européen.

Un Baggio toujours plus haut en championnat mais trop seul en attaque

Roberto Baggio dépasse pour la première fois la barre des 20 buts en championnat (21 en 27 matchs), avec en point d’orgue un quadruplé réalisé le 8 novembre 1992 à Turin contre l’Udinese lors de la 9ème journée, ainsi qu’un triplé contre Foggia (son second sous le maillot bianconero) plus trois doublés. La force offensive de Baggio ne suffit toutefois pas, encore une fois, à aller titiller le Milan de Capello pour le scudetto : les co-équipiers de Baggio terminent à une modeste 4ème place. Les nouvelles recrues offensives n’ont pas été à la hauteur des espérances, : avec respectivement seulement 6 et 3 buts, Vialli et Platt ont échoué à éviter une “baggio-dépendance” en attaque.

La marche triomphale de Baggio en coupe de l’UEFA

Jusqu’en quart de finale, Roberto Baggio ne brille pas particuliérement sur la scène européenne ( un seul but inscrit). Son printemps européen sera éclatant.

Baggio 3 PSG 1

Le festival Baggio débute le 6 avril 1993 au stade des Alpes contre le psg, en quart de finale aller de la coupe de l’UEFA. Menés très vite par un but de Weah, les co-équipiers de Baggio buttent sur la défense parisienne jusqu’à l’entrée en scène du numéro 10 bianconero qui égalise à la 55ème minute d’une belle reprise croisée en demi-volée à l’extérieur de la surfarce. Puis arrive son chef d’oeuvre de la soirée à la 90ème minute avec un coup franc à la limite de la surface splendidement transformé par le meneur de jeu italien. Le match-retour portera également la griffe de Roberto Baggio, auteur de l’unique but de la rencontre d’une astucieuse talonnade qui dévie un tir de Vialli et trompe le gardien parisien Lama.

Baggio assomme la finale à Dortmund

En finale-aller contre les allemands de Dortmund, c’est encore Roberto Baggio qui fait basculer la rencontre en faveur des siens par un doublé qui donne la victoire à la Juve (3-1) et une grosse hypothèque sur la coupe de l’UEFA.

Enfin un trophée pour Roberto Baggio !

La finale-retour à Turin n’est qu’une simple formalité (succès 3-0). Le meneur bianconero ne marque pas mais délivre tout au long de la rencontre des actions dignes d’un futur ballon d’or : un sensationnel enchainement passement de jambes-feinte de corps qui met dans le vent deux défenseurs allemands puis une frappe enroulée déviée par le gardien, une talonnade géniale à l’origine du but d’Andréas Möller, et un slalom “maradonesque” de près de 50 mètres en seconde mi-temps qui échoue pour quelques centimètres.

Roberto Baggio sur le toit du monde

Ce succès en coupe de l’UEFA, son tout premier trophée gagné sous le maillot de la Juventus, couronne en beauté la saison exceptionnelle de Roberto Baggio, auteur de 30 buts toutes compétitions confondues, soit son meilleur total depuis ses débuts à la Juve.

C’est donc tout naturellement que “il divin codino” remporte quelques mois plus tard le ballon d’or du magazine france football, devenant le quatrième joueur de l’histoire du club à décrocher cette récompense, après Omar Sivori, Michel Platini et Paolo Rossi. Baggio s’adjuge également le trophée Fifa world player, raflant ainsi les deux récompenses individuelles les plus prestigieuses de la planète football. Il n’y avait donc aucun doute en cette fin d’année 1993 : Roberto Baggio était devenu le meilleur joueur du monde.

1993-1994 : encore une saison blanche malgré un Baggio toujours au top

Avec un Baggio considéré à juste titre comme le meilleur joueur du monde, la Juve version 1993-1994 se positionne comme un sérieux concurrent du Milan AC dans la course au titre de champion d’Italie.

Une fin d’année 1993 digne d’un ballon d’or

Sur la lancée se son exceptionnel printemps européen, Roberto Baggio continue durant tout l’automne et l’hiver 1993 à empiler les buts et exploits techniques, tant en championnat qu’en coupe d’europe. A la fin des matchs aller de série A, Baggio a déjà fait trembler 10 fois les filets en 17 rencontres, avec notamment un triplé contre le Genoa lors de la 10ème journée, le 3ème en championnat sous les couleurs de la juve. Il est également l’auteur au tout début de l’année 1994 d’un but sublime contre l’Udinese lors de la 17ème journée, à la conclusion d’un slalom prodigieux au sein de la défenses adverse.

Baggio continue également à faire des étincelles en Europe durant l’automne 1993. Lors du premier match de coupe de l’UEFA contre le Lokomotiv de Moscou, un Roberto Baggio omniprésent inscrit un somptueux doublé (coup-franc en lucarne pour le premier, exploit technique dans la surface pour le second) et est directement à l’origine du but de Ravanelli.

Une élimination prématurée en coupes et un scudetto toujours tabou

La forme étincelante de Baggio ne suffira cependant pas à la Juve pour conserver son titre européen : à la surprise générale, les bianconeri sont élminés en quart de finale de la compétition contre les sardes de Cagliari. Autre coupe, autre déception : la Juventus est sortie dès son entrée en coupe d’Italie par le modeste club de Venise, malgré deux buts de Baggio (un à l’aller, un au retour). En championnat, les 17 buts de Baggio (dont un slalom exceptionnel contre la Lazio de Rome lors de la 32ème journée) e ne suffisent pas à mettre fin au règne milanais, la Juventus termine seconde à trois petits points de l’équipe de Capello.

1994-1995 : un doublé coupe-championnat et puis s’en va

Pas encore remis physiquement et psychologiquement de la coupe d’une monde aux USA, Roberto Baggio est indisponible durant tout le mois de septembre, ce qui lui fait rater trois matchs consécutifs de championnat. De retour sur le terrain le 02 octobre pour le choc contre l’Inter, Baggio, encore trop court physiquement, n’incide pas sur la rencontre est est remplacé après l’heure de jeu par le jeune Del Piero. Il faut attendre la 7ème journée pour voir Baggio ouvrir son compteur-buts contre la Cremonese. La journée suivante, Roberto Baggio marque le seul but de la rencontre contre le Milan AC, permettant à la Juventus de battre le club milanais à domicile pour la première fois depuis 4 ans.

27 novembre 1994 : la blessure et l’ombre de Del Piero

Alors que Baggio retrouve progressivement son meilleur niveau, le meneur de jeu turinois est victime d’une sérieuse blessure au genou à l’occasion du déplacement de la Juventus à Padoue. Eloigné des terrains durant quasiment 4 mois, il voit le jeune Del Piero profiter de son absence pour devenir titulaire en attaque aux cotés de Vialli et Ravanelli. Décisif dès le match suivant la blessure de Baggio contre la Fiorentina avec un but somptueux du talon, Alessandro Del Piero l’est encore la rencontre suivante contre la Lazio avec un doublé qui permet à la Juventus de l’emporter 4 buts à 3. L’entraîneur Marcello Lippi, qui avait déclaré en début de saison ne pas vouloir d’une juve “baggio-dépendante”, voit dans le jeune Del Piero moins un remplaçant de luxe au “divin codino” que son potentiel successeur au poste de n°10.

Mars 1995 : retour gagnant de Baggio en coupe et championnat

Baggio fait sa rentrée le 8 mars en demi-finale aller de la coupe d’Italie sur le terrain de la Lazio : il est le passeur décisif sur le but de Fabrizio Ravanelli. Quelques jours plus tard, le 12 mars, Roberto Baggio dispute son premier match de l’année en championnat contre Foggia au stade des alpes : passeur décisif sur le but de Fabrizio Ravanelli puis buteur sur coup-franc, “il divin codino” réussit son come-back.

Coupe de l’UEFA : Baggio à nouveau bourreau de Dortmund

Baggio et ses co-équipiers trouvent à nouveau sur leur route les allemands de Dortmund pour une place en finale de coupe de l’UEFA. Et comme en 1993, Roberto Baggio, désormais complétement remis de sa blessure, va peser de façon décisive dans cette double confrontation. Buteur sur penalty au match aller à Turin (2-2), il est passeur décisif sur corner au match-retour puis transforme un somptueux coup-franc qui octroie la victoire (2-1) et la qualification des turinois pour la finale.

21 mai 1995 : Juventus-Parma 4-0 : le dernier show de l’artiste

En cette belle après-midi d’été, la Juventus accueille son dauphin Parme avec comme enjeu le titre de champion d’Italie pour les bianconeri en cas de succès contre les parmesans. Roberto Baggio foule pour la dernière fois un terrain avec la tunique noire et blanche. Le soliste turinois va fournir pour sa dernière sortie une des partitions dont il a le secret en offrant pas moins de trois passes décisives à ses co-équipiers sur les trois premiers buts, dont une talonnade géniale sur le second de Didier Deschamps. Grâce à ces caviars à répétition de Baggio, la Juve écrase Parme et s’adjuge son 23ème titre de champion, 9 ans après le dernier.

Remplacé à la 82ème minute de jeu, Roberto Baggio passe symboliquement le relais à Alessandro Del Piero, son héritier désigné qui portera le maillot n°10 dès la saison suivante.